Tous les jours dans les radios et la télévision, les évolutions du CAC40 à la Bourse de Paris, mais aussi du Nikkei à Tokyo et du Dow Jons à New York sont martelées, commentées etinterprétées comme des indicateurs économiques fondamentaux : il y a là une manipulation à la fois économique et idéologique visant à faire prendre l'intérêt des "marchés financiers", des spéculateurs et des gros actionnaires pour l'intérêt général.
La Bourse est un marché où sont cotés deux types de valeurs, des actions, titres de propriété de parts de sociétés anonymes et des obligations, valeurs mobilières représentant une créance sur un emprunteur important, grandes sociétés ou État. La séance boursière, c'est principalement un "marché de l'occasion". Il s'y revend, au comptant ou à terme des titres déjà émis. Et, pour l'essentiel de son activité la Bourse n'est donc pas pour les entreprises une source d'apport de nouveaux capitaux.
Il y a donc deux comportements en Bourse: l'un vise le revenu financier, le dividende, par la détention d'actions à moyen ou long terme, l'autre vise des plus-values par des différences de cours à l'achat et la revente avec différentes techniques, permettant pour certains spéculateurs de gagner y compris quand la Bourse baisse, les traders, opérateurs pour le compte de banques, fonds de placement, assurances, ...maniant les deux techniques pour "optimiser" le rendement financier d'un "portefeuille de titres".
La santé de la Bourse et la santé de l'économie, c'est différent : la course à la rentabilité a eu pour première conséquence toutes ces dernières années de majorer la part des dividendes, et principalement des dividendes distribués dans la répartition des résultats des entreprises. Cette majoration s'est opérée contre les salaires, l'emploi, les qualifications, les prélèvements sociaux et publics et les investissements utiles.
Ainsi il n'est pas rare de voir le cours de l'action d'une entreprise bondir après l'annonce de plans de licenciement, d'où l'expression devenue hélas trop fréquente de "licenciements boursiers".
Ce n'est pas la santé de l'économie qui est le premier critère de l'ambiance boursière, mais bien l'importance des prélèvements opérables par les dividendes et les plus values sur l'économie réelle.
Quand les prélèvements dus à la course à la rentabilité financière aggravent les contradictions de l'économie (les impasses de l'austérité : endettement des États, manque de perspectives de croissance et de débouchés économiques, exacerbation des concurrences et dumping, .....) les risques sur les créances et les perspectives de récession peuvent déclencher des baisses boursières. Ces baisses pouvant être aggravées par des comportements spéculatifs et des fluctuations erratiques des marchés ( loin d'être la "main invisible" et rationnelle décrite par les marchés, les comportements des marchés sont de court terme et déformants obnubilés par le prisme de la rentabilité financière).
Pour autant la santé réelle des grandes entreprises est le plus souvent très distincte des fluctuations du cours de Bourse de leur action, ainsi il n'est pas rare que des entreprises aient vu la valeur de leurs actions perdre de 20 à plus de 50% depuis le début de l'année. On parle ainsi de "milliards d'euros partis en fumée", voire de "débâcle boursière".
Pour les grandes entreprises non financières cette évolution n'a rien changé. Elles disposent d'un trésor de guerre considérable, non affecté par les variations des cours de Bourse. La dernière étude de l'association des trésoriers d'entreprise (AFTE) en mai montrait que la trésorerie d'exploitation des entreprises a atteint son plus haut niveau depuis juillet 2007, avec 170 milliards d'euros de trésorerie pour les groupes non financiers du CAC40.
La question posée est donc plutôt l'utilisation de ses sommes, pour l'investissement, l'emploi, la production, alors qu'elles sont aujourd'hui principalement utilisées en placements financiers et en projets dans les seuls pays émergents. La chute des cours de Bourse peut même accroître le rapport dividende/valeur de l'action, et faciliter les mouvements de fusionconcentration d'entreprises, certaines d'entre elles devenant "opéables", facilitées par le trésor de guerre de trésorerie et la baisse du cours des actions à racheter.
Pour les banques, dont l'actif est principalement constitué de placements financiers et dont le passif peut être déséquilibré par la baisse de valeur des actions de la banque, elles ont aussi des trésoreries, et sont refinancées par la BCE et maintenant sont aussi éligibles pour une recapitalisation éventuelle au Fonds Européen! Par ailleurs en investissant en dettes publiques aux cours dévalués, les filiales de type hedge funds peuvent acheter des titres de dettes grecques à 50% de leur valeur, avec une rémunération de l'ordre de 15% !
Les seuls vrais perdants, non pas des fluctuations boursières mais de la crise financière, sont le monde du travail (salaires emplois services publics), ainsi que les petites et moyennes entreprises qui voient les conditions du crédit se durcir pour elles, et les États mis en demeure de réduire leurs services utiles.